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  • paulemilechristian

nouvelle: l'enquête


Le détective confortablement assis sur un fauteuil en face de lui, installé sur le canapé, le regardait dubitatif, l’air de se demander si c’était du lard ou du cochon. Bon, sa demande pouvait paraître surprenante, le détective l’avait qualifiée d’originale; c’était sa première enquête de ce genre et il n’était pas sur de savoir vraiment comment s’y prendre. Mais bon, ça l’intéressait, au moins de commencer pour voir. Dans sa tète, il se disait que l’idée n’était pas idiote après tout et pourrait même lui permettre de proposer ce type de recherches une fois qu’il aurait mis au point la méthode. Lui avait trouvé ses coordonnées sur internet, parmi toute une liste et l’avait sélectionne comme spécialiste des recherches difficiles. En plus, son bureau n’était pas trop loin, il avait pu venir a pied.

«- Bon, si j’ai bien compris, vous voulez que je fasse des recherches sur certaines années de votre vie dont vous n’avez aucun souvenir, c’est bien ça?

- Oui, tout a fait, je vous ai écrit les années en question sur cette feuille.

- C’est bien la première fois que l’on me demande ce type de recherche! Dit-il en parcourant la feuille.

- Mais, vous acceptez?»

Le détective ne répondit pas de suite, comme il faisait toujours, laissant penser qu’il soupesait le pour et le contre, qu’il hésitait sur l’intérêt de la demande. Il passa sa main sur son menton, vérifiant la bonne longueur de sa barbe naissante, a la mode. Il souleva les sourcils comme pour s’étonner de ce qu’il lisait. Comme prévu ( il avait organisé cela avec son assistante), son téléphone fixe sonna. Il s’excusa de de voir répondre et prononça quelques phrases sibyllines, incompréhensibles sauf bien sur pour lui et le client qu’il avait certainement au bout du fil.

«Désolé, je devais prendre cet appel.

- Alors, c’est oui?

- Vous savez, je vais vous facturer le temps passe à cent euros de l’heure plus un forfait pour les moyens utilisés, sans garantie de succès. Dans votre cas, je ne suis pas sûr de trouver.

- Je prends le risque, mais vous me direz quand même ce que vous faites pour y arriver?

- Oui oui, vous saurez tout ! »

Il retoucha son menton les yeux fixés sur la liste des dates, comme si il voulait les apprendre par cœur ou essayer de déceler une logique quelconque sur ces dates alignées qui ne ne suivaient pas. Il fit une petite grimace, comme si quelque chose ne lui plaisait pas dans cette liste mais ne fit aucune remarque, laissant le client mariner dans ses incertitudes. Malgré ses trente sept ans, il avait déjà pas mal d’expérience du métier. Il avait été formé jeune par un oncle, ne sachant pas trop quoi faire après son baccalauréat, en parallèle avec des études de psychologie qu’il mena néanmoins jusqu’à la licence, ce qui lui permettait d’afficher son diplôme derrière lui, bien encadré et bien visible. Il portait un costume gris anthracite de confection, classique mais assez chic et une cravate sobre dans les bleus assortie à la couleur de ses yeux. Il savait son look séduisant pour la plupart de ses clients, mais l’accentuait plus ou moins selon la personne qu’il avait en face de lui. La, il s’agissait d’une homme de plus de soixante ans, retraité, ayant du temps pour se poser ce type de question bizarre. Il portait un blouson crème sur une chemise élégante dans les gris, un jeans noir et des tennis sobres . Une paire de lunettes lui donnait un air intellectuel accentué par une calvitie bien avancée. Lui était rasé de prés, insensible à la mode du moment.

Rassuré par la réponse du détective, il s’agitait un peu moins sur le canapé. Il avait décidé de consacrer une certaine somme à cette enquête en espérant trouver lui aussi une méthode lui permettant ensuite de continuer les recherches seul. Un observateur indépendant aurait conclu que c’était un accord gagnant-gagnant comme on disait.

« Je vais devoir déjà regarder dans vos propres archives, vous savez.

- Ah bon, je l’ai déjà fait pourtant?

- Oui mais je dois voir ce dont vous disposez chez vous: photos, papiers de toutes sortes.

- Quel genre de papiers?

- On verra sur place, ne vous inquiétez pas, il est prévu dans le contrat de base un engagement de discrétion absolue de ma part ou de ma collaboratrice si elle est amenée a travailler sur ce dossier.

- Dites le moi avant de venir que je les prépare, certains sont archivés dans ma cave.

- Nous verrons cela, ne vous inquiétez pas, si ils ne sont pas accessibles rapidement, nous repasserons vous voir. Vous savez, nous allons devoir nous rencontrer plusieurs fois, à moins que cela vous gêne que cela se passe chez vous et que vous préfériez amener tout cela ici ?

- Non, ce ne serait pas commode, mais bon, vous savez les voisins… quand ils vont voir une tête nouvelle chez moi, ils vont se poser des questions, vous savez ce que c’est.

- Nous serons les plus discrets possibles.

- Dites moi tout de même le genre de papiers que vous souhaitez consulter.

- Sûrement vos relevés bancaires déjà, factures aussi, enfin celles que vous conservez.

- Ah, je n’avais pas pense a ça….Je peux commencer seul d’ailleurs a consulter tout cela.

- Comme vous voulez, mais nous les regarderons également.

- Oui, je ne veux pas vous empêcher de faire votre travail.

- Bien, nous sommes donc d’accord, passez voir mon assistante pour donner vos disponibilités et nous vous appelons des demain pour fixer le premier rendez vous chez vous. »

Ils se levèrent en même temps, se serrèrent la main et le détective le raccompagna jusqu’au bureau de son assistante. Une fois son agenda consulté et communiqué à la jolie brune qui le nota, il sortit.

L’assistante était plutôt jolie, assez naturelle lui avait-il semble, pas trop maquillée et assez futée pour ne pas lui faire répéter quoi que ce soit dans ses jours de disponibles, bien qu’il les ai donnés assez rapidement. Une petite quarantaine sans doute, mais il n’était pas très doué pour évaluer l’age d’une femme. Par contre, il avait remarque sa tenue a la fois chic et décontractée et son alliance.

En rentrant chez lui, il repensa a l’entretien. Il ne savait pas trop si il devait être satisfait ou pas de sa visite. Certes, il connaissait le prix de l’heure mais ne savait pas trop ou il allait quoi qu’il ait tout de même progressé avec cette histoire de consulter ses relevés de compte. Il n’y avait pas pensé parce qu’ils étaient dans sa cave, s’acharnant sur ses photos non toujours datées et mal rangées dans ses albums pour les plus anciennes et sur ses clés USB pour les plus récentes. Il avait aussi noté chaque année son lieu de vacances, mais il avait égaré la feuille ou il avait tout noté, quelle poisse !Des qu’il fut rentré, il se hâta d’aller a la cave récupérer ses archives pour les consulter tranquillement chez lui. Il s’était donné une à deux heures maximum à consacrer à cette affaire chaque jour pour continuer à vivre normalement par ailleurs. Il passa donc par sa cave avant de monter dans son appartement et récupéra ses classeurs de relevés bancaires. Il en avait plus qu’il ne pensait, c’est le genre de choses que l’on stocke et que l’on ne trie jamais, même lorsque l’on a dépassé les dix ans obligatoires. Une fois assis devant sa table de salon, le téléviseur en marche sur une chaîne musicale, il commença à feuilleter et s’aperçut qu’il trouvait des informations sur les trois années complètement perdues dans sa mémoire. Il ne souvenait d’absolument rien, pas un seul souvenir, pas une image, c’était insupportable et il maudissait sa mémoire de plus en plus défaillante : il ne devait pas compter sur le temps pour retrouver quoi que ce soit, au contraire. Il lut avec attention les libellés résumant toutes les écritures, mais la plupart étaient peu explicites au moins pour sa recherche actuelle. Ils les avaient certainement trouvés suffisants a l’époque quand les dépenses étaient récentes, mais là, cela ne lui était d’aucune utilité jusqu’au moment ou il tomba sur un achat de bijou et il n’était pas encore marié ni même ne fréquentait pas encore sa future femme cette année là, comme pour toutes les années qu’il recherchait. Il nota l’information, la date exacte et le nom du site qui avait débité sa carte bancaire. Cela devait être un de ses premiers achats sur internet avec sa carte bancaire. Il se souvint du premier achat l’année précédente et de ses interrogations sur la sécurité de la transaction. Il avait eu des doutes pendant quelques jours, le temps que que son compte soit débité et le livre reçu.

Ce n’était pas un chèque comme la majorité de ses paiements à l’époque, les relevés n’indiquaient que le numéro et certainement pas la nature de l’achat. Il se demanda alors si, par hasard, il n’avait pas conservé d’anciens talons de chéquiers. En principe il les détruisait mais certains avaient peu être échappé au ménage par le vide, contrairement à ses cahiers de compte qu’il détruisait consciencieusement en janvier, une fois le bilan financier de l’année établi. Il se dit qu’il aurait pu les garder, ça ne prenait pas de place, pourquoi vouloir toujours jeter, jeter tous les papiers alors qu’il gardait par ailleurs un tas d’objet devenus inutiles? Peut-être que les papiers étaient plus personnels que les objets plus anonymes. Il est vrai, aussi, que jusqu’à récemment il faisait tout cela à la main et qu’il écrivait plutôt mal et il était malaisé de se relire. Il avait conserve ses derniers comptes sur word, mais ils ne concernaient pas les années qu’il recherchait. Quelle guigne ! En consultant sa montre il vit qu’il avait passé deux bonnes heures à consulter les relevés qui, ajoutées à son entretien avec le détective et le trajet aller et retour portaient à presque quatre heures le temps consacré à cette affaire. Dès le premier jours, il dépassait le temps imparti. Il se dit qu’il se rattraperai le lendemain et se servit un porto rouge en zappant sur son jeu télévisé qui avait commencé.

Curieusement, il ne pensa pas a ces satanées années manquantes avant de s’endormir et en se réveillant, comme il avait coutume de le faire. C’était toujours ça de gagné, il avait passé le ballon à quelqu’un d’autre qui allait travailler pour lui. Il se demandait régulièrement pourquoi il faisait une fixation sur cette question, sans doute sa maniaquerie du classement et son horreur de ce qui était perdu : il passait des heures a rechercher un objet dont il ne souvenait plus du lieu de rangement et éprouvait une réelle jouissance à le retrouver. Cela devait être maladif, mais bon c’était supportable. Son ex femme avait le même défaut, sauf qu’elle perdait plus souvent les choses et qu’il mettait le même zèle à les retrouver que pour les siennes. Un psychanalyste aurait sans doute une explication logique à ce phénomène, mais il n’allait pas perdre son temps à ça, il était déjà si occupé.

C’est pendant qu’il payait ses courses à la caisse du supermarché que son portable sonna et que l’assistante lui proposa de passer l’après midi même ou le lendemain et il lui dit qu’il était occupé et la rappellerait sans faute en fin de matinée. Il avait pensé que l’appel viendrait plus tard, sans trop savoir pourquoi. Une fois qu’ils eurent fixé l’heure du rendez vous, il repensa au but de sa recherche et vit les choses différemment, certain d’avoir trouvé la cause cachée de on obsession : il avait entamé la dernière partie de sa vie, sans savoir le temps qu’elle durerait, mais se rendait compte que chaque année, chaque mois, chaque jour même était important : le temps passait si vite, il ne pouvait pas faire tout ce qu’il souhaitait. Alors, avoir perdu des années entières de sa vie était un gaspillage de cette denrée si précieuse! Si encore cela lui donnait droit a des années de vie supplémentaires.. mais non, ça ne marchait pas comme ça, hélas. Ce qui était perdu était perdu, il devait retrouver ces bouts de vie, ils avaient bien laissé des traces quelque part, il suffisait de chercher mieux.

Il était finalement content que ce soit la femme qui se déplace. Maintenant, tout le monde savait que la gente féminine était aussi efficace que la masculine, surtout pour les travaux demandant de la précision et de la concentration, enfin peut être pas tout le monde, mais lui oui. Et puis, ce serait plus agréable puisqu’il ne pourrait n’y avoir aucun sous entendu de séduction entre eux vu la différence d’âge . Il se surprit néanmoins à changer de chemise et a vérifier que le salon était à peu prés rangé, ce qu’il n’aurait pas fait si le détective était venu lui même. Il n’eut pas trop le temps de gamberger sur ses découvertes, l’interphone l’avertissant de l’arrivée de l’assistante.

Elle ne trouva rien de plus que lui mais il avait tout de même passé un bon après midi. Ils parlèrent peu sauf quand elle lui posait une question sur un achat, elle étudia avec beaucoup d’attention chaque ligne de relevé de compte des années concernées, mais aussi de l’année d’avant et de l’année d’après, ce qui lui fit feuilleter une grande partie des archives. A part l’achat du bijou, ils ne trouvèrent rien de pertinent. Elle lui posa quelques questions sur cet achat et lui proposa de fouiller elle même de ce coté la. Ce serait plus efficace puisqu’elle avait l’habitude de ce genre de chose, ce dont il dut convenir. Quand elle quitta son appartement, il se rendit compte qu’ils avaient passe prés de trois heures ensemble. Pour le moment, il passait trop de temps la dessus et se promit de lever le pied des le lendemain. L’heure de l’assistante était elle facturée au même tarif que celle du détective ? Il n’avait pas pensé a le demander hier et pas osé aujourd’hui. C’était déjà l’heure de son jeu télévise ! Heureusement, il avait préparé ses repas pour plusieurs jours. Fidèle a ses bonnes résolutions, il s’abstint de prendre un apéritif.

Après son film du soir, au lieu de lire le roman commencé, il regarda une nouvelle fois un album de photo, espérant trouver ce qu’il avait déjà chercher vingt fois. Faire chou blanc, une fois de plus, l’énerva et il essaya de s’endormir en lisant. Et puis, il eut une idée : pourquoi ne pas écrire a certains de ses amis de cette époque ? Il était parfois négligent avec ses amis, son principal défaut, enfin un des principaux, c’était un moeyn de renouer des relations.

Il écrivit trois mails le lendemain, après son vélo d’appartement et sa douche et sortit les poster. Il rédigeait assez vite et avait trouvé le moyen de justifier ses écrits ; Il voulait laisser un souvenir à ses enfants, lui même regrettant de ne pas avoir de traces écrites de ses propres parents et recherchait des points de repère. Une fois les mails envoyés, il se dit que finalement ce n’était pas une mauvaise idée de rédiger ses souvenirs de jeunesse avant son mariage et la naissance de ses enfants et commença à noter ce qu’ils se rappelait de son enfance et de son adolescence. Content de lui, il déjeuna rapidement et sortit se promener tout l’après midi pour profiter du beau temps. Cela faisait un moment qu’il ne l’avait pas fait, il se demandait bien pourquoi, ce n’était pas sa priorité certainement. Il y pensa en se baladant et se promit de changer ses habitudes dans ce sens . En se reposant sur un banc du parc, il entama une discussion avec une femme dans ses âges qui surveillait sa petite fille qui jouait dans un bac à sable. Ils sympathisèrent et convinrent de se retrouver deux jours plus tard vers quinze heures. Il chantonna en rentrant chez lui et passa par sa cave pour chercher d’éventuels talons de chèques qu’il ne trouva pas mais sans que cela ne modifie en rien sa bonne humeur. Après avoir un peu complété la liste de ses souvenirs d’enfance, il mit une chaîne musicale et se replongea dans son livre. Son repas était prêt et sa soirée télé organisée. Il se coucha tard et s’endormit rapidement en repensant à la femme du banc.

Il n’eut de nouvelles du détective que le surlendemain, alors qu’il s’apprêtait a partir pour le jardin retrouver sa nouvelle connaissance. Cette fois ci, il était question de photos, soit en album soit sur un support numérique, rendez vous fut pris pour le lendemain a quinze heures. Il arriva un peu en avance dans le parc et fut surpris de voir la femme déjà là, sur le même banc. La conversation démarra rapidement sans chichi, il était surpris d’avoir tant de choses à dire, tant de questions à poser, et, comme elle n’était pas en reste, ils discutèrent plus d’une heure, avant de s’apercevoir qu’elle devait aller chercher sa petite fille à l’école. Il l’accompagna et ils parlèrent de la petite puis il la laissa et rentra chez lui. Il n’avait pas de petits enfants, c’était comme ca pour le moment, peut être un jour serait-il grand-père ? Il était plusieurs fois grand oncle, mais ce n’était pas pareil.

Deux de ses amis lui répondirent rapidement, ils allaient réfléchir à ses questions mais, en attendant lui donnaient de leurs nouvelles et l’invitaient à passer les voir, ce qui leur permettrait sans doute de retrouver plus facilement leurs souvenirs communs. Il ne s’attendait pas du tout à ça mais trouva cette idée excellente. Le premier vivait en Normandie ou il n’était pas allé depuis plus de trente ans et le second dans le Gers qu’il ne connaissait pas.

Le lendemain, il était en train de rédiger le début de ses souvenirs d’enfance quand l’assistante sonna a l’interphone et il fut surprit en ne se rendit compte que c’était elle qu’en entendant sa voix. Heureusement, il avait préparé les albums des la veille et put l’accueillir sereinement. Elle portait un petit tailleur léger qui lui allait a ravir qui dévoila une partie de ses cuisses lorsqu’elle s’assit sur le canapé prés de lui pour consulter le premier album. Il lui commenta les photos comme à une amie, sans penser à l’objet de sa visite. Il prirent ensuite un thé sans avoir progressé le moins du monde dans la recherche, ce qui, curieusement, ne lui fit ni chaud ni froid. Il ne pensa pas à lui parler de sa démarche auprès de ses amis. Après son départ, son parfum sensuel flottait toujours dans le salon et l’accompagna pendant un bon moment. Qu’ils n’aient rien trouvé en regardant les photos ne le surprenait pas, il les avait déjà examinées plusieurs fois de façon détaillée. Il se demanda quelle serait la prochaine étape, sans doute quelque chose auquel il n’aurait pas pensé. Il fallait tout de même qu’ils méritent les centaines d’euros que cela allait lui coûter. Bon, il pouvait se permettre cette dépense compte tenu de ses revenus et de ses économies, mais de là à gaspiller...Il allait leur laisser un mois, pas plus et allait envisager de passer voir son ami de Normandie dans cinq semaines, comme celui ci le lui proposait. Il téléphona à sa fille pour l’inviter à déjeuner et reprit la rédaction de ses souvenirs.

Cette fois-ci ce fut le détective lui même qui l’appela quelques jours après pour faire le point sur les recherches et lui indiquer qu’il n’avait pas de disponibilités d’ici le week-end à venir mais avait une idée pour avancer et lui demandait de passer le voir pour en parler. Ils se mirent d’accord sur une date.

Entre temps, outre le déjeuner avec sa fille, il eut des échanges de mails avec ses deux amis, fixa aussi une date de visite avec le second dans le Gers et rencontra trois fois sa nouvelle amie au parc. Il eut sa matinée de préparation de repas qu’il maîtrisait de mieux en mieux, ses deux séances de gymnastique pour seniors, son après midi de bridge et son rendez vous avec le généraliste. Il finit son roman et entama un livre sur Spinoza. Bref, il ne s’ennuya pas une seconde et n’était pas spécialement anxieux de ce rendez vous avec le détective.

Il y pensa néanmoins la veille au soir, après avoir éteint la télé et avant de prendre son livre. Il se demandait ce que l’autre avait pu trouver. Si c’était contacter d’anciens amis et connaissances, c’était un coup d’épée dans l’eau pour la troisième fois et il jetterait l’éponge. Il ne fallait pas s’acharner si aucune idée originale ne surgissait de ce coté là, il avait vécu longtemps sans savoir ce qu’il avait fait ces quelques années et il continuerait ainsi. Cela le perturbait moins qu’avant, pour une raison inconnue. Qu’importait d’ailleurs, l’important était de ne plus y penser le soir en se couchant et le matin en se réveillant. Il avait plutôt en tête cette femme de son age et ses amis qu’il allait retrouver, et puis il y avait la rédaction de ses souvenirs qu’il appréciait particulièrement. Finalement, il aimait écrire et revivre ainsi certains passages de sa vie. De plus, il se rendait compte qu’un souvenir pouvait en faire naître un autre et c’était agréable de revisiter son enfance somme toute heureuse et de repenser a ses parents plus jeunes.

Il n’eut pas a attendre avant d’être introduit dans le bureau et eut a peine le temps de regarder la belle assistante très a son avantage comme habituellement. Il retrouva sa place dans le canapé.

«  J’ai commande deux livres mais un seul est arrivé, je suis désolé, mais cela vous permettra de commencer.

- Des livres ?

- Oui, enfin des recueils, je ne sais pas trop comment les nommer, voici celui que j’ai déjà reçu».

Il lui tendit un gros bouquin assez volumineux et lourd « 1900 – 2000, un siècle d’économie», quatre cent cinquante grandes pages de textes et de photos sur le siècle passé.

« En regardant les informations sur les années en question, peut être trouverez vous une information qui vous servira de fil d’Ariane pour remonter dans vos propres souvenirs? Je crois que ça vaut le coup de tenter ça , enfin, ça ne mange pas de pain et les livres vous sont offerts sans supplément ! »

Cette remarque le fit sourire et il commença a feuilleter le gros volume.

« Si vous pensez que mon assistante peut vous aider, elle est à votre disposition pour étudier les années en question.

- Je ne sais pas, je vais y réfléchir. Peut être peut elle m’apporter le second livre quand vous l’aurez reçu et on verra à ce moment la?

- Oui si vous voulez, c’est une question de jours, je pensais que je l’aurais reçu avant notre rendez vous, mais les promesses de l’internet…

- Ce n’est pas bête comme idée, je n’y avait pas pensé, c’est vrai.

- Merci, nous sommes au service de nos clients.»

ils se quittèrent sur cette remarque, le détective répétant à son assistante sa demande sur la livraisons du second livre, à cent euros de l’heure, ça valait le coup de se déplacer.

Heureusement, il n’habitait pas loin. Il s’y mit de suite et lut les titres concernant 1978. la plupart ne lui disaient rien mais il en nota quelques uns:

- La marée noire en Bretagne avec le pétrolier libérien «  Amoco Cadiz »

- La nomination du pape Jean Paul II

- Le rachat de Chrysler Europe par Peugeot

- L’accident nucléaire de «Three mile Island» en Pennsylvannie

Le reste ne l’inspirait pas du tout. Il lut avec attention les articles en question sans que rien se surgisse dans son esprit. Il ne se revoyait pas en train d’apprendre ces nouvelles ni d’en discuter avec quelqu’un. Il se souvenait de tout cela, mais pas de lui à ce moment la.

Il parcourut ensuite 1983 et ne sélectionna que deux informations :

- La découverte du virus du sida

- Le démarrage de la retraite à soixante ans

Et c’était tout  Mais il n’avait pas d’ami gay à l’époque et il était trop jeune pour penser à sa retraite ou pour en parler avec des amis, pas comme tous ceux qui avaient son âge de l’époque,

Il passa à la troisième année concernée, 1988, et, des la premiere page trouva l’information « La réélection de Mitterand» à la présidence ». Il ne se souvenait pas du soir de l’élection, mais il revoyait très bien le face a face avec Jacques Chirac a la télé et le fameux dialogue:

«Ici je ne suis pas le premier ministre et vous n’êtes pas le président

- Oui monsieur le premier ministre ».

Cela ne lui rappelait rien mais il se sentait de mieux en mieux et échangeait chaque jour un mail avec ses deux amis.Il n’eut pas de réponse du troisième qui avait dû changer d’adresse de messagerie. Ils se réjouissaient de se revoir bientôt, mettant au point longuement les conditions de ces retrouvailles. Il se surprit également a inviter la femme du banc à dîner et il découvrit qu’elle avait aussi joué au bridge mais ne le faisait plus. Il réussit à la convaincre de l’accompagner dans son club. Sa vie était en train de changer, en mieux et il avait très envie que cela continue. Il avait eu le nez creux de lancer cette enquête !

L’assistante lui amena le second livre des le lendemain, un très gros bouquin de plus de mille cinq cents pages: « Chroniques du XX ieme siècle». Elle en profita pour lui donner les résultats de sa recherche sur le bijou: le site et la société en question n’existaient hélas plus.

Il commença à feuilleter le gros livre et tomba sur la victoire de Yannick Noah à Roland Garros et il se souvint immédiatement que c’est le jour suivant qu’il avait appris que son ami François était mort d’un cancer foudroyant, l’un de ses deux amis de l’école de commerce fréquentée au début des années soixante dix, l’autre étant Lân, un Vietmamien. Dans le livret humoristique de fin d’études, ils étaient présentés ensemble comme les « pieds nickelés ». Cette mort l’avait révolté, François était le meilleur des trois, un type bon, un ami formidable, un père exemplaire de trois enfants. Ils étaient allés les voir avec les enfants à Bourges, avaient été très ben reçu, avaient assisté à un match de basket féminin (il était un des sponsors de la fameuse équipe de cette ville) et puis avait correspondu avec son épouse. Ils ne s’étaient pas revu avant le décès de François.

Il aurait préféré ne pas se souvenir de ça et il comprit que sa mémoire avait essayé d’enterrer cet épisode malheureux.

Cette enquête était une malédiction ! Alors il téléphona au détective pour mettre y fin , il ne voulait plus savoir ce qu’il s’était passé les deux autres années.










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